Le coronavirus, un jugement de Dieu ?
La crise du coronavirus frappe durement, et il est encore bien trop tôt pour dire si et quand elle va s’arrêter. En attendant, l’économie est en berne, nos systèmes de santé sont sous tensions, la vie courante semble s’arrêter. Et surtout, des personnes en grand nombre sont frappées par la maladie, et les décès se chiffrent en milliers, avec le potentiel de beaucoup plus. Face à tout cela, il est tentant et même normal de se demander ce que Dieu fait dans tout cela.
Non, parce que Dieu est amour ?
Une réponse trop rapide s’appuie sur l’amour et la bonté de Dieu pour dire que non, certainement Dieu n’y est pour rien. Mais cette réponse fait de Dieu un Dieu impuissant, un Dieu à qui les évènements échappent. Quel secours attendre alors d’un Dieu bien gentil, mais dépassé ? Et la Bible montre plusieurs fois que Dieu peut utiliser les malheurs les plus tragiques, tout comme la méchanceté des humains, pour accomplir ses bons desseins. D’ailleurs la crise du coronavirus conduit à minimiser le trafic aérien, ralentir notre vie frénétique, et donc à diminuer drastiquement nos émissions de CO2. Nous en savions la nécessité sans en trouver le courage, malgré des décennies d’avertissements scientifiques et tout le militantisme d’Extinction Rebellion, de Greta Thunberg et de sa génération. Avec le coronavirus, nous payons en partie le prix de notre modèle économique globalisé, tellement dommageable pour notre terre, et si nous tirons les leçons nécessaires, il se peut qu’à long terme l’humanité s’en porte bien mieux – mais cela demandera de ne pas tout reprendre « comme avant » sitôt la crise passée. Déjà aujourd’hui certains se demandent si l’amélioration de la qualité de l’air a sauvé plus de vies que le coronavirus n’en a coûté. Ainsi, on est en droit de se demander si le coronavirus est un moyen employé par Dieu en dernier recours pour nous faire saisir la nécessité de changements.
Touchés donc coupables ?
Une autre réponse déplacée voudrait voir le malheur frapper directement ceux qui le méritent le plus. Alors les victimes seraient des coupables, et les moins touchés pourraient se sentir assurés de leur supériorité morale. Cette logique, tentante en tout cas dans l’antiquité, a été explicitement refusée par Jésus. Confronté à deux tragédies de son époque, il a clairement refusé l’hypothèse selon laquelle les victimes auraient été plus coupables que tous leurs contemporains. Mais il enchaînait en avertissant : « Si vous ne changez pas de vie, vous mourrez tous comme eux » (évangile selon Luc, chapitre 13, versets 3 et 5). Devant Dieu, il n’est pas d’innocent, et s’il était question de mérite, c’est l’humanité entière qui devrait périr. Nous participons tous aux torts de nos sociétés, et nous faisons tous bien assez de mal à nos congénères pour encourir le jugement de Dieu. Et le mépris du Créateur, si courant et même valorisé, ne saurait être innocent si vraiment il y a un Dieu qui a tout amené à l’existence et qui peut faire valoir ses droits sur notre monde. Du reste, l’avertissement de Jésus ne vise pas seulement le risque d’une mort tragique, mais le plus grand drame de quitter ce monde en étant ennemis de son souverain maître. Dans cette optique, le coronavirus n’est pas l’entier du jugement de Dieu sur tout le mal commis par les humains, mais un avertissement, un signe avant-coureur. Parce que la pandémie menace tout un chacun, elle peut tous nous pousser à nous interroger sur notre vie, notre mortalité et notre destinée.
Repenser à sa vision de la vie
C’est pourquoi les temps de troubles et de malheurs, les drames et les épidémies sont des moments favorables pour le retour sur soi et le retour à Dieu, pour faire le point sur nos vies et mettre au jour ce qui emplit nos cœurs. Du reste nos ancêtres l’avaient bien compris, qui avaient régulièrement décrété des journées de jeûne et de pénitence à l’occasion de catastrophes, inondations ou épidémies, ce dont nous gardons la trace en Suisse, dans les Jeûnes fédéral, genevois ou autres. Cependant, ce n’est pas aux autorités politiques de proclamer la repentance, mais c’est chacun en son âme et conscience qui doit se positionner et se remettre en question. Et puisque les victimes ne sont pas plus coupables que n’importe qui, elles ont droit à toute notre compassion, et à toute l’aide que l’on puisse apporter.
En outre, une circonstance tragique comme celle que nous traversons est aussi un temps d’épreuve, un temps qui va manifester le caractère de chacun, un temps où nos réactions démontreront quel genre de personnes nous sommes, et ce que vaut notre société. Serons-nous de ceux qui se battent pour des rouleaux de papiers hygiéniques, ou de ceux qui aident les plus vulnérables et ceux qui sont en quarantaine à faire leurs courses ? De ceux qui prolongent et profitent de leur insouciance, ou de ceux qui prennent au sérieux les mesures qui permettent de protéger les plus faibles ? De ceux qui veulent avant tout sauver leur propre peau, ou de ceux qui œuvrent pour que la société surmonte l’épreuve ?
Ainsi, la tragédie que nous vivons est l’opportunité pour chacun de repenser à sa vision de la vie et à son comportement. La vision chrétienne met le positionnement face à Dieu au cœur de la question, bien que d’autres domaines puissent être touchés également.