Voici les causes de la dépigmentation volontaire des femmes noires

Voici les causes de la dépigmentation volontaire des femmes noires

Pourquoi la dépigmentation est-elle rependue dans la gente féminine ? Quel est le but recherché par ces femmes ? Quels sont les procédés utilisés ? Connaissent-elles réellement les conséquences de cette pratique sur leur santé ?  Quelles sont les causes à l’origine de cette pratique ? Voici notre enquête.

Au fils des années, la dépigmentation volontaire de la peau a pris des proportions inquiétantes dans le monde et surtout en Afrique noire. Malgré les conséquences nocives que cela pourrait avoir sur leur santé, les femmes africaines persistent à se dépigmenter la peau. Ce paradoxe nous interpelle, d’où la raison de cette enquête, les motivations de la dépigmentation volontaire chez les femmes africaines en générale et des abidjanaises en particulier et les conséquences de cette pratique au plan sanitaire.

Définition de la dépigmentation volontaire

La dépigmentation cutanée volontaire ou artificielle, pratique bien connue en Afrique noire, observée dans les populations noires et métissées d’Europe et des Etats Unis, se définit comme l’ensemble des procédés visant à obtenir un éclaircissement de la peau dans un but esthétique.

Origine

Sur le site afrik.com dans un article intitulé « blanchir à tout prix », Ferdinand Ezembe, psychologue spécialisé dans la psychologie des communautés africaines soutient que cette pratique des noires par rapport à la couleur de leur peau procède d’un profond traumatisme postcolonial. Le blanc reste inconsciemment un modèle supérieur raison pour laquelle un teint clair s’inscrit comme un critère de valeur dans la majeure partie des sociétés africaines. Il poursuit en disant que ce sont les pays aux passés coloniaux plus brutaux qui affichent le plus une attirance pour les peaux claires. C’est le cas des deux Congo actuels ou même les hommes s’y mettent avec leur compagne pour parfaire leur teint.  Le docteur Christian Djekouri exerçant au CHU de Treichville affirme : « l’influence des médias renforcerait cet effet de mode ou la femme claire ou métisse est mise en avant dans les magazines de mode, dans les publicités et au cinéma. Notons que l’ONG dénommée Lutte contre la dépigmentation de la peau, basée au Gabon dans une étude réalisée en 2013 a écrit : « le pouvoir du blanchiment de la peau par une substance appelée hydroquinone fut découvert dans les années 1960 aux Etats Unis par des afro américains. Ces ouvriers noirs qui travaillaient dans le domaine du textile étaient en contact quotidien avec cette substance qu’ils utilisaient pour le délavage de jeans. Comme ils travaillaient sans protection, ils ont pu voir à la longue les effets blanchissants que ce produit toxique avait sur eux. C’est ainsi qu’est née la dépigmentation intentionnelle de la peau qui s’est répandue dans la communauté noire et le continent africain ne fut que la cible privilégiée ».

Attitudes et motivations

Il ressort de certaines études menées en milieu hospitalier et au sein de la population que la plupart des femmes se dépigmentent pour des raisons esthétiques. Un certain mimétisme est également retrouvé parmi la gente féminine et la peau claire est considérée comme un objet de séduction. Les résultats de l’étude menée par Sarah kourouma au centre dermatologique du CHU de Treichville d’Abidjan, premier centre de référence des maladies de la peau en Côte d’Ivoire mentionne que la grande majorité des pratiquantes (80%) était convaincue que les femmes de teint clair étaient plus attirantes et plus belles que les femmes de teint noir. La moitié des femmes affirmaient que le but recherché était de clarifier leur teint et faire disparaitre les taches pour être plus belles. Près des deux tiers de ces femmes (57,5%) avaient pris la décision de débuter la dépigmentation elles même. 37,5% reconnaissaient qu’une amie proche les y avaient motivé. Seulement 5% des femmes ont affirmé avoir initié cette pratique à la demande de leur conjoint. Esther, interrogé dans la commune d’Abobo abonde dans le même sens : « Pour moi avoir un beau teint, c’était être claire. J’enviais ainsi mes camarades qui avaient le teint clair. J’ai commencé à utiliser des produits éclaircissants ». « Ce sont les hommes qui poussent les femmes à devenir clair » justifie M.G qui se dépigmente depuis 8 ans. 

 Les procédés

« En général, les femmes et aujourd’hui de plus en plus d’hommes ont recours à des produits de mauvaise qualité en vente libre dans la rue et provenant d’Asie de l’est, du Nigéria et de la Côte d’Ivoire. Les femmes ont le plus souvent recours à des produits à base d’hydroquinone qui sont interdit de vente sur le territoire ivoirien depuis fin avril 2015, mais qui sont malheureusement disponibles sur les marchés. On raconte même que certaines femmes se concoctent un cocktail à base d’eau de Javel. En outre des femmes vont même jusqu’à s’injecter des quinacores, produits à l’origine utilisés pour soigner le rhumatisme. D’autres utilisent des corticoïdes qui ont des effets irréversibles. » Explique le docteur Christian Djekouri.

 Des conséquences

Le docteur Christian égrène les effets nocifs de cette pratique : « Nous avons l’acné cortisonique : liée à l’utilisation des corticoïdes locaux qui aggravent et compliquent l’acné (kystes, pustules, taches brunes). Ce ne sont que des signes d’évolution des lésions. Il y a des taches accromiantes (taches blanches) rappelant le vitiligo ; l’onochronose exogène qui est irréversible (peau claire avec des zones plus foncées aux tempes, apparition de rougeurs etc.), des vergetures (rupture des fibres élastiques de la peau), des problèmes de cicatrisation qui créent des complications lors d’opérations chirurgicales ; cataractes et glaucome, pathologie de l’œil et bien d’autres maladies. ».

Les résultats de l’étude faite par Sarah Kourouma mentionnent que 67,5% des femmes connaissent les complications cutanées liées à la pratique de la dépigmentation volontaire et en ont donné des exemples. Esther Ousbolini reconnait que malgré les remarques de ses proches qui lui demandaient d’arrêter de se dépigmenter elle s’entêtait, jusqu’à ce que des taches noires apparaissent sur son visage, son cou et tout son corps. Fatou une tresseuse au marché d’Adjamé dit ne jamais arrêter de s’éclaircir la peau. L’on pourrait dire que la dépigmentation volontaire est une forme d’addiction.

Comment donc leur venir en aide ?

Les femmes qui s’adonnent à la dépigmentation artificielle redoutent de redevenir plus noires qu’auparavant, car c’est ce qui arrive lorsque l’on décide d’arrêter ce procédé. Elles entrent alors dans un cercle vicieux. Un suivi de ces patientes est donc nécessaire afin qu’elles acceptent cette peau plus foncée et surtout le regard des proches qui peut parfois être dur. Aussi, des campagnes de sensibilisations efficaces doivent être élaborées en vue d’un changement de comportement.

Par Victoire Koffi

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