L’HARMATTAN DOIT INSPIRER LA COMPASSION POUR SON PROCHAIN
A l’image du bon samaritain (Luc 10 :30-37) épris de compassion pour son prochain, l’harmattan doit susciter plus de partage et d’amour, comme le faisait dans les années 1981-1990 des instituteurs de Touba au nord de la Côte d’Ivoire qui manifestaient une attention particulière à l’endroit des écoliers.
Touba, commune située au nord-ouest de la Côte d’Ivoire, à 115 km de Man, fait frontière avec la Guinée Conakry. Il fait très froid ce matin, en ce mois de janvier alors qu’il faut prendre son bain avant d’aller à l’école pour les cours qui débute à 8h00. Aujourd’hui, pas d’eau chaude disponible, maman veut privilégier le peu de charbon qui lui reste pour faire la cuisine. Il faut obligatoirement prendre son bain. « Tu ne toucheras pas mon dos ! », telle est le défi lancé à cette eau froide. Oui, se laver est pénible à cause de cette sensation insupportable de l’eau froide qui coule le long du dos. Demander à un élève du primaire de se laver, c’est le traiter comme un soldat en formation commando. Et les pleurs ne manquent pas pour exprimer la pitié. Heureusement qu’il y a des jours de grâce. En effet, à la moindre inattention de maman, on fait rapidement passer l’eau sur la tête, les mains, les pieds. Tout, sauf le dos ! Vite, on enfile sa tenue et le tour est joué. Une bonne couche de beurre de Karité sur les parties lavée du corps et en route pour l’école située à environ 3 km de la ville. Soit 45 min de marche.
Le trajet est pénible, la fraicheur ralentir les pas. Le brouillard empêche de voir à plus de 30 mètres. La forte poussière provoquée par le vent complique la situation. L’harmattan bat son plein. Malheur aux écoliers qui n’ont pas de blouson. Hélas, tous n’en portent pas faute de moyens financiers des parents. Mais il faut résister et continuer le chemin. Et comme si cela ne suffit pas, des tourbillons sporadiques obligent à s’arrêter. Pour les écoliers du grand nord, partir à l’école en cette période est une punition.
Dans la cour de l’école, il est rare de voir les élèves courir comme d’habitude. Ceux qui arrivent aux environs de 7h30, sont consolés par ce moment exceptionnel. Ce n’est pas le petit déjeuner, mais bien plus : un grand feu de bois est allumé sur le terrain du sport. Comme une mère poule attire ses petits et les protège face au rapaces, ce feu, si généreux crée un grand cercle d’élèves autour de lui. L’émotion est au rendez-vous. Au-delà de protéger le corps face au méchant froid, ce feu est le symbole de l’amour, de la compassion des enseignants à l’endroit des élèves, si vulnérables. Ce rendez-vous unique réchauffe les petits cœurs des écoliers, qui ont besoin de la compassion de leurs maitres.
Ces derniers sont devenus si doux, si gentils qu’ils rangent leurs chicottes dans le placard (à l’époque ils étaient autorisés à chicoter les élèves). L’harmattan met dans leur cœur de la compassion, voire de la miséricorde. En effet, donner un coup de fouet à un élève en d’harmattan, c’est prouver qu’on est sans cœur. La douleur du fouet est quadruplée, et le maitre le sait bien. Rien qu’en voyant la peau desséchée et blanchie des écoliers, il est rare qu’un maitre utilise le bâton. Les punitions se limitent à être mis à genoux.
D’ailleurs les bavardages pendant le cours deviennent rares, à cause des lèvres desséchées et fendillées et qui saignent par moment. On ne parle que lorsqu’il faut participer au cours. Pendant l’harmattan, la joie s’enfuit, on ne rit pas comme on veut. La prudence s’impose. Il faut maintenir la main sur la bouche pour ne pas éclater de rire au risque d’aggraver les déchirures des lèvres.
L’harmattan doit nous rendre plus sage, moins égoïste, moins avare. Plus généreux, plus compatissant. On peut être adorateur et manquer le but en négligeant de soutenir notre prochain. On peut être fervent adorateur et oublier que notre prochain a besoin de nos prières. Prions pour les pays africains en proie aux attaques terroristes, notamment le Burkina-Faso et le Mali. Shalom !
Par Victoire Koffi