Le Père Djadji: « Il faut suspendre les activités de toutes les communautés nouvelles »

Dans une interview-vérité accordée à notre confrère de « Catho-Christ.W », le Père Marius Hervé Djadji prêtre ivoirien, Docteur en théologie dogmatique pour donner son point de vue sur la crise qui secoue l’église catholique de Côte d’Ivoire, avec son corollaire de sanctions contre les bergers de plusieurs communautés nouvelles.

Mon père, l’actualité dans l’Église de Côte d’Ivoire tourne autour de la suspension et de la radiation d’un berger Achija Pacôme. Que dites-vous?

Tout d’abord il faut dire que l’actualité dans l’Église de Côte d’Ivoire ce sont les obsèques de Mgr Antoine Koné et nous attendons les funérailles de notre confrère Richard Bilé. Voici l’actualité. Le problème de ce berger est un non évènement parce que ce n’est pas un évêque qui a rompu la communion avec l’Église. C’est lorsqu’un évêque rompt la communion qu’on est inquiet. Les sanctions dans l’Église sont des faits ordinaires.

Mais pourquoi le cas du berger attire tout le monde?

Ce sont les réseaux sociaux, c’est internet mais surtout parce que cette affaire d’Afrique du sud était médiatisée avec un pasteur des médias et surtout avec le montage de la fausse résurrection. Et puis nous sommes une jeune Église. Beaucoup de nos chrétiens catholiques en Côte d’Ivoire ne sont pas formés à la doctrine catholique donc créent des débats sans tête ni queue dès qu’il y a quelque chose. 
Nous avons tellement laissé nos chrétiens dans les campagnes d’évangélisation et retraites spirituelles qui ne parlent que de miracles de telle sorte qu’il n’y a plus cette catéchèse solide, cette formation à la mamelle catholique. Si nous passons tout le temps dans les rues d’Abidjan et dans les quartiers à faire du bruit spirituel nous aurons des chrétiens vides doctrinalement. Nous récoltons, nous payons cash notre démission dans la formation de base.

Mais mon père les adeptes du berger réagissent contre la décision de suspension?

C’est normal. Ils ont raison. Si nous laissons les fidèles s’attachés à des bergers, modérateurs, c’est humain qu’ils réagissent ainsi. Il y a des centaines de fidèles qui portent les noms Achija, APC, AP, ATK, qui sont des initiales de leurs bergers et gourous. 
Dans l’Église catholique vous avez une fois vu cela où ? En dehors des papes, des évêques et certaines Congrégations, et même au baptême où on porte les noms de saints vous avez une fois vu ces fantaisies? Même Abekan le prêtre exorciste que toute la Côte d’Ivoire admire, vous avez une fois vu des fidèles utilisés ses initiales? 
Quand on tolère des déviations, c’est normal que les adeptes réagissent comme des syndicalistes lorsqu’on touche à leur chef puisque nous avons des églises dans l’Église. Voilà la configuration de notre Église. Cela n’existe pas dans l’ecclésiologie catholique.

Qu’est ce que vous proposez concrètement ?

J’ai déjà dit plusieurs fois que dans le contexte de cafouillage dans lequel nous sommes il faut d’abord suspendre les activités de toutes les communautés nouvelles nées dans ces temps et leurs responsables sur le territoire national. Après la suspension, il faut créer dans chaque diocèse un comité de discernement et de formation de tous ceux qui veulent diriger et accompagner les groupes. 
Donc c’est ce comité qui va maintenant discerner la création des communautés nouvelles. Ma proposition consiste à tout arrêter et maintenant filtrer parce que dans le contexte actuel il y a de l’anarchie. « on ne reste pas dans magnans pour enlever magnans ». Pour ne pas passer de suspension en suspension ce qui ne fait pas honneur à notre Église, il faut tout stopper pour repartir de nouveau avec l’aide de l’Esprit saint parce qu’en Côte d’Ivoire nous avons des laïcs engagés dotés de dons. Il suffit de les orienter pour le bien de tous. 
Dans l’Église de Côte d’Ivoire tout le monde a le titre de berger, de modérateur, maman, visionnaire. Il faut arrêter tout en vue de restructurer.
Il faut tout arrêter pour bien voir claire. Même au sanctuaire de Medjugorje lorsqu’il y avait des doutes, la Congrégation pour la doctrine de la foi a demandé qu’on stoppe tout. Après discernement le pape vient d’autoriser mais avec prudence. C’est une méthode de discernement dans l’Église le fait d’arrêter pour bien orienter.

Mais mon père que reproche t-on au berger?

Ouf. Sa communauté a tout dit. Seuls les passionnés ne voient pas et ne comprennent pas. Vous savez les esprits malins sont rusés. Quand on sanctionne ils brandissent la thématique de la miséricorde mal comprise. Quand on ne dit rien, ils disent que les autorités ne parlent pas. Un peu de discipline. Il ne faut pas transférer dans l’Église, l’indiscipline dans les administrations, partis politiques et dans les familles. L’Église catholique n’est pas la poubelle d’Akouédo.

Quel est votre mot de fin?

Bientôt c’est la fête de l’ascension, confions au Christ qui monte, nos intentions de prière pour qu’il nous envoie l’Esprit à la pentecôte. Confions à Dieu le maître Mgr Antoine Koné. Vous savez, c’est un monument de la théologie dogmatique, un ancêtre, un Tchologo, un initié, un initiateur, un passeur en théologie.J’ai perdu un maître. Au moment où on avait vraiment besoin de lui pour affronter les défis, il est parti mais sans partir. 
Je prie aussi pour les chrétiens du Burkina qui souffrent. Que le Seigneur veille sur l’Église famille au Burkina. Il faut trouver une solution pour protéger nos frères. Dieu est Dieu.

Solange ARALAMON (PresseCotedIvoire.ci)